"La désocialisation par le Web n’a jamais eu lieu" : vidéo INA d’Antonio Casilli

Sur INAGlobal, le site des industries créatives de l’Institut National de l’Audiovisuel, Cédric Cousseau consacre une note de lecture au livre Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil, 2010) – et une vidéo-interview à son auteur, le sociologue Antonio A. Casilli.


Internet et le mythe de la désocialisation

Dans « Les liaisons numériques », Antonio A. Casilli part à l’assaut d’un mythe. Celui selon lequel les internautes seraient seuls devant leur écran d’ordinateur et qu’Internet viendrait leur retirer tous liens les rattachant à leurs proches. Ils se poseraient chaque jour un peu plus en rupture face à la société à mesure qu’ils se construiraient une vie parallèle sur le net, une vie sans âme ni échange. Mais pour le chercheur, Internet n’est pas cette machine aspirante que l’on veut, parfois, nous faire croire.

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La toile tisserait aussi des liens supplémentaires avec les personnes éloignées du premier cercle de connaissances. Un outil comme Facebook permettrait d’entretenir et de conserver les liens distendus ou ténus de la vie “réelle”. Et ces liens peuvent se révéler décisifs à des moments précis comme lors, par exemple, de la recherche d’un emploi ou dans des situations de détresse comme la maladie.

Antonio A. Casilli appuie également sa réflexion en citant la thèse de Mark Granovetter (“The Strength of Weak Ties”, American Journal of Sociology, volume 78, n°6, 1973), sociologue à l’université de Stanford, selon laquelle « Ce n’est pas en se tournant vers les proches, liés par des relations humaines si denses qu’elles ne s’ouvrent pas vers l’extérieur, que l’on maximisera les chances de faire circuler un message nouveau. Ce seront les relations superficielles ou les inconnus “amis d’amis” qui nous permettront d’élargir l’éventail de nos connaissances et d’atteindre des ressources nouvelles ».

Un autre argument veut que selon les statistiques de Facebook, un utilisateur du réseau social dispose en moyenne un maximum de 130 amis sur le site, ce qui est proche du chiffre de Robin Dumbar selon lequel le cerveau humain ne peut gérer plus de 150 amitiés. Il y a donc une certaine reproduction en ligne de la sociabilité. Il faut alors distinguer les personnalités publiques ayant plusieurs milliers d’amis ou de followers sur Twitter et les particuliers. Les premiers n’entretiennent, au final, plus de liens d’amitié en ligne mais un lien de communication avec une foule anonyme.

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L’intérêt de l’essai d’Antonio A. Casilli est donc de dépasser les clichés faciles, de gratter leur vernis et de retravailler le négatif pour faire apparaître les détails cachés, n’omettant pas les nuances. Son objectif est ici de montrer que le « personal computer » depuis qu’il a investit nos foyers ne se limite pas pour autant à cela. Une pensée finalement rare.